Caroline Côté, cinéaste d’aventure | Derrière les kilomètres

J’ai vécu un nombre d’aventures, certaines davantage de l’ordre du défi psychologique et certaines davantage de l’ordre du défi physique.

Il y a quelques semaines, alors que j’assistais à la conférence de l’aventurière Caroline Côté, l’homme derrière moi lui a demandé si elle referait son aventure.

Une aventure de 80 jours en solo dans le Nord du Québec depuis Natashquan jusqu’à Montréal.-

À ce moment là, je pouvais comprendre, voire partager son incapacité à répondre. Au même moment, je comprenais aussi que je devais discuter avec cette femme qui m’inspirait par ses réalisations et par sa personnalité forte mais contenue.

Caroline Côté est une cinéaste d’aventure et photographe résidant à Montréal. Son rôle principal lors de ces expéditions est de photographier des images pour les présenter au public dans un format documentaire.

Je voulais tout savoir et tout découvrir de son parcours et de ses motifs! Qui va à la rencontre de ses limites? Comment partons-nous mais surtout comment en revenons-nous?

 À l’âge de 12 ans, Caroline ne s’imaginait pas qu’à ses 30 ans elle allait avoir les 2 pieds dans une rivière dans le grand Nord.

Issue d’une famille conventionnelle de la banlieue, enfant des années 1980, Caroline a connu le travail de 9à5 autour d’elle comme étant la normalité et c’était comme ça que la vie se passait.

Avec cette vision de la vie d’adulte en tête, celle d’une vie “normale et rangée”, Caroline s’inscrit au CEGEP en cinéma. Elle voulait réaliser des films. Il ne lui suffira que de peu de temps pour comprendre que ni le montage, ni la réalisation, ni la caméra à temps plein ne représentent son rêve. Les questionnements affluent. L’amour du monde du cinéma demeure, mais est relayé au statut de passion. Caroline passera alors de la paléontologie à l’océanographie pour aller voir l’urbanisme et la publicité en route. La quête est vaste. La quête est longue.

Ce fameux 9 à 5 elle l’essaie. Elle y croit. Pour Caroline, sans doute comme pour plusieurs, cela représente la vie sérieuse, la voie à suivre, après tout, c’est ce qu’elle voit autour d’elle. Alors qu’elle est employée en publicité dans une boîte, elle carbure à l’adrénaline des projets et des “deadlines”. C’est cette adrénaline et ce feu roulant qui lui permettent de croire que la vie de bureau lui convient. Elle aimait ce « thrill » mais rapidement la question se posa : est-ce une adrénaline saine?

Puisque la vie fait bien les choses, ce travail normé, elle le réalise coeur d’une entreprise qui a pour mission d’amener les gens à se dépasser en allant faire des activités plein-air, entres autres. Celle qui a toujours la photo et le film comme passion se retrouvera plus rapidement qu’autrement en plein cœur des aventures. La caméra et le coaching de projet s’allient, laissant enfin la chance à sa passion d’exister dans un monde professionnel plus traditionnel.

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Du jour au lendemain.

Elle quitte son emploi en pub, du jour au lendemain, y laissant même ses effets personnels au bureau. Ce désir de vivre une adrénaline saine et personnelle ayant prit le dessus, Caroline choisi de vivre l’aventure et d’oser quitter le monde de l’entreprise privée.

Avec une invitation à prendre part à une traversée de l’Atlantique à titre de cinéaste, sa vie change du tout au tout. À ce jour, Caroline est encore bien peu fière d’avoir quitté sans préavis mais elle sait aussi très bien que cette prise de risque est exactement ce qu’il lui fallait.

Authentique et posée

L’exploratrice, cette femme devant moi, semble alors se poser un instant, pour mieux réfléchir. Elle est posée. C’est exactement ce qui m’a fascinée chez-elle, ce calme, cette contenance, mais surtout cette authenticité. Elle n’est pas celle que l’on pense voir en parlant d’une exploratrice qui donne des conférences. Elle n’est pas l’intensité sur deux pattes qui est ultra verbomoteur, elle est là, sereine, posée, en constant équilibre énergétique. Elle me parle de ce stress qui fatigue qui brûle mais aussi de celui qui motive et qui nous pousse. Réalisant que du haut de ses 30 ans elle comprends certainement mieux qu’avant l’importance d’être là, d’être, d’être soi, de connecter avec la terre et de laisser-aller.

“La quête de notre mission personnelle doit alors passer par ce besoin de connexion avec le vrai et le simple”. Pour Caroline, notre génération qui a maintenant bien plus de temps qu’avant, a aussi la luxure de se questionner, de voyager, de se connaitre et de voir ce qui nous anime. Elle estime donc qu’elle se doit de le faire et d’apprendre à comprendre qui elle est.

Si cette quête en fut une tout au long de ses missions et aventures, la femme qui est devant moi a su faire ce travail. Avec maturité, simplicité mais avec beaucoup de profondeur et de recul, elle me parle de son parcours et de ses projets. Elle est d’une inspiration contagieuse.

Alors qu’en est-il de ce fondement, de cette mission qui l’anime?

C’est bien davantage à propos des autres qu’à propos d’elle à ce jour. Elle désir amener les gens à connecter avec l’environnement, avec la nature. Elle sent que le momentum est avec elle, elle comprend qu’il y a socialement un désir de retour à la terre, à la source.

“L’urbanité crie à la terre” me dit-elle les yeux à la fois remplis d’espoir et de crainte.

En cette nature, elle voit un remède et elle considère qu’il ne faut pas aller loin pour le vivre. “Le bois derrière chez-soi suffit amplement si on prend le temps” dit-elle. Je souris, sachant que les images du bois qui borde la cour de son enfance est sans doute l’image qui habite son sourire alors qu’elle me parle de sa mission.
Revenir de loin, revenir longtemps

Si partir vers l’inconnu demande une préparation incroyable et certes des plus intéressantes, ce qui m’intéresse c’est bien plus d’entendre cette femme me parler du retour, celui qui confronte et qui cause parfois plus de choc que l’aventure elle-même.

De retour physique depuis environ deux mois, Caroline se sent enfin de retour. Elle donnait une conférence avant notre rencontre et me partageais avoir, pour une des premières fois, sentie qu’elle avait eu assez de recul pour revenir parler de l’aventure mais aussi assez de temps pour refaire son énergie. Revenir c’est réapprendre la vie en société. La file à l’épicerie, le métro, la maison chauffée et les taxis ne sont pas des réalités en expéditions. Alors quand elle revient, elle vit ces dernières avec une certaine appréhension. Ses souvenirs d’expédition lui apporte une sérénité quand le béton et les commodités de la ville causent plus de stress que de tranquillité.

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Avec chaque retour vient aussi la question du prochain départ

Comment gérer l’afflux de projets, le choix, mais aussi comment revient-on et combien de temps revenons-nous? Si je parle d’aventures ici, nous savons toutes les deux que cette question est bien plus large, bien plus générale. C’est ici une discussion sur la vie et les choix. C’est ici une discussion sur écouter qui nous sommes et quels sont nos besoins versus dire oui et chercher à prouver notre force à une société qui ne pourrait pas être davantage exigeante.

Si pour Caroline le rituel passe par revenir à la maison, laisser ses bagages au sol et puis s’assoir sur ce dernier et tranquillement réaliser qu’elle ne doit pas agir pour survivre et se sentir en quelque sorte inutile, son retour est bien plus long et progressif. En effet, avec les années le retour prend de plus en plus de temps. Non pas par fatigue ou par manque de désir, mais bien parce qu’elle a des objectifs d’autant plus grands.

Des objectifs qui dépassent désormais sa personne et son aventure. Quand je parlais d’authenticité, de sérénité chez cette femme, c’est également dans ces réflexions sur le besoin de revenir, de se poser, d’évaluer, de faire le point, de mettre l’énergie aux bons endroits et d’accepter que le retour peu être long et éprouvant que je confirme cette grande connaissance de soi. Elle m’explique que l’aventure c’est en fait une quête en soi-même. Aller à la limite de soi, ça apporte les plus grandes joies, mais aussi les plus grandes déceptions et c’est dans ces moments de limites que nous apprenons à nous connaitre, me confie-t-elle.

Alors que l’aventurière se connait de mieux en mieux, elle concentre désormais son temps et énergie à des projets de plus grande ampleur. Mettre les gens de l’avant, les pousser et les inspirer, c’est ce qui attend Caroline. Pour ce faire, elle prend le temps de reconnecter avec ceux qui lui manque durant ces longues expéditions : famille et amis. Si on dit souvent que ce sont les gens les plus importants, Caroline l’a profondément compris. Elle y trouve d’ailleurs une source de motivation et de ressourcement incroyable. C’est donc en passant du temps avec ceux qu’elle aime, son entourage, sa communauté qu’elle revient et prépare son prochain départ sur des bases solides.

Un prochain départ qui suit ce qu’elle intègre de plus en plus dans ces aventures: la communauté. Pour Caroline, donner une voix à ceux qui n’ont pas la chance de la faire valoir haut et fort; c’est primordial. Si cela peut sembler un peu à l’eau de rose, il ne faut que quelques minutes de plus de discussion pour comprendre qu’elle ne fait pas que passer, questionner, enregistrer et quitter. Elle arrive, se pose, découvre, écoute, comprend et seulement la, seulement après ce temps de rencontre, elle ose filmer ces humains qu’elle rencontre.

Je suis touchée.

A travers mes aventures personnelles, la question de photographier ou non, de filmer ou non s’est souvent posée dans mon esprit. Pour Caroline, son éthique et sa quête sincère lui ont permis de choisir de prendre du temps, de prendre le temps avec les gens qu’elle rencontre. Je suis absolument fascinée par son parcours et surtout par ses choix.

Avant de la quitter je me questionne sur ce qui lui semble aujourd’hui les grands actes de son cheminement. C’est une aventure en trois actes qu’elle me présente. 42135601_324819904917778_7795738681624494080_n

 La recherche de soi, la quête, l’adolescence

Ce moment est important, c’est celui de la conformité et de la quête. Cette période de recherche fut pour elle nécessaire afin d’arriver à la réalité qu’elle vit au quotidien du haut de ses 30 ans.

La découverte de son environnement, la rencontre de l’internationnal

C’est dans l’ouverture sur le monde, sur l’infini qu’elle réalise que si les frontières existent, elles n’existent que théoriquement. Elle comprend que le monde est ouvert et accessible. Cette réalisation changera tout son état d’esprit, la motivant à oser partir à l’aventure.

L’épilogue

C’est maintenant, elle y est. Elle se sent exactement dans ce moment de conclusion. Non pas de fin mais de conclusion à savoir ce que ces années passées en aventures lui ont apportés et ce qu’elles apporterons dans le futur. Elle trouve que tout va vite, trop vite et elle a ce désir profond de trouver et comprendre sa mission, son fondement avant de se lancer ailleurs. En faisant cette conclusion, ou ce nouveau départ, elle se prépare à mieux repartir, à partir plus solide.

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La rencontre se conclue

C’est sur une note heureuse et en simplicité que cette rencontre a eue lieue et se termine. Jasant de l’écriture de son livre et de la première fois qu’elle a assumé dire qu’elle faisait du cinéma d’aventure, nous sortons du café pour aller profiter de l’été qui s’étire.

Découvrez plus sur cette femme ici

Photos offertes par Caroline Côté

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